Sentenced to death - Condamné à mort!





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V V

À peine arrivé, des mains de fer s'emparèrent de moi. On multiplia les précautions ; point de couteau, point de fourchette pour mes repas, la camisole de force, une espèce de sac de toile à voilure, emprisonna mes bras ; on répondait de ma vie. Je m'étais pourvu en cassation. On pouvait avoir pour six ou sept semaines cette affaire onéreuse, et il importait de me conserver sain et sauf à la place de Grève.
I had no sooner arrived here. than the hand of force was laid on me, and numerous precautions were taken: neither knife nor fork was allowed for my repasts; and the camisole de force (strait-jacket), a species of sack made of sail-cloth, imprisoned my arms. They were answerable for my life, so the jailers would have for six or seven weeks their responsibilities; as it was requisite to keep me safe and in good condition for the Place de Grève.

Les premiers jours on me traita avec une douceur qui m'était horrible. Les égards d'un guichetier sentent l'échafaud. Par bonheur, au bout de peu de jours, l'habitude reprit le dessus ; ils me confondirent avec les autres prisonniers dans une commune brutalité, et n'eurent plus de ces distinctions inaccoutumées de politesse qui me remettaient sans cesse le bourreau sous les yeux. Ce ne fut pas la seule amélioration.
For the first few days I was treated with a degree of attention which was horrible to me; the civilities of a turnkey savor of a scaffold. Luckily, at the end of some days, habit resumed its influence; they mixed me with the other prisoners in a general brutality, and made no more of those unusual distinctions of politeness which continually kept the executioner in my memory. This was not the only amelioration.

Ma jeunesse, ma docilité, les soins de l'aumônier de la prison, et surtout quelques mots en latin que j'adressai au concierge, qui ne les comprit pas, m'ouvrirent la promenade une fois par semaine avec les autres détenus, et firent disparaître la camisole où j'étais paralysé. Après bien des hésitations, on m'a aussi donné de l'encre, du papier, des plumes, et une lampe de nuit.
My youth, my docility, the cares of the chaplain of the prison, and above all some words in Latin which I addressed to the keeper, who did not understand them, procured for me a walk once a week with the other prisoners, and removed the strait-jacket with which I was paralyzed. After considerable hesitation, they have also given me pens, paper, ink, and a night-lamp.

Tous les dimanches, après la messe, on me lâche dans le préau, à l'heure de la récréation. Là, je cause avec les détenus : il le faut bien. Ils sont bonnes gens, les misérables. Ils me content leurs tours, ce serait à faire horreur, mais je sais qu'ils se vantent. Ils m'apprennent à parler argot, à rouscailler bigorne, comme ils disent. C'est toute une langue entée sur la langue générale comme une espèce d'excroissance hideuse, comme une verrue.

Every Sunday after mass, I am allowed to walk in the prison-court at the hour of recreation: there I talk with the prisoners, which is inevitable. They are good fellows, these wretches; they tell me their adventures, enough to horrify one; but I know they are proud of them. They taught me their argot, à rouscailler bigorne , as they called it. A hideous abortion of the language. On hearing it spoken, the effect is like the shaking of dusty rags before one.


Quelquefois une énergie singulière, un pittoresque effrayant : il y a du raisiné sur le trimar (du sang sur le chemin), épouser la veuve (être pendu), comme si la corde du gibet était veuve de tous les pendus. La tête d'un voleur a deux noms : la sorbonne, quand elle médite, raisonne et conseille le crime ; la tronche, quand le bourreau la coupe.

Quelquefois de l'esprit de vaudeville : un cachemire d'osier (une hotte de chiffonnier), la menteuse (la langue) ; et puis partout, à chaque instant, des mots bizarres, mystérieux, laids et sordides, venus on ne sait d'où : le taule (le bourreau), la cône (la mort), la placarde (la place des exécutions). On dirait des crapauds et des araignées. Quand on entend parler cette langue, cela fait l'effet de quelque chose de sale et de poudreux, d'une liasse de haillons que l'on secouerait devant vous.

Du moins ces hommes-là me plaignent, ils sont les seuls. Les geôliers, les guichetiers, les porte-clefs -je ne leur en veux pas -causent et rient, et parlent de moi, devant moi, comme d'une chose.
These men at least pity me; and they alone do so. The jailers, the turnkeys — and I wish them no harm — gossip and laugh, and speak of me in my presence, as though I were a thing.







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